
Cette fois, qui sait, le thème pouvait m’inspirer.
Sur une page blanche, je commençai à transcrire des expressions où intervenait le mot « blanc ». Le domaine était vaste, diantre, et mon cerveau s’élançait tous azimuts !
Page blanche (justement !), blanc-seing, donner carte blanche, le cap Blanc-Nez, la mer Blanche, un domestique nourri, logé et blanchi, blanc comme lys, passer une nuit blanche, hisser le drapeau blanc, produit blanc, la Marche blanche, blanchir sous le harnais, bulletin blanc, blanc-bec, manger du boudin blanc et de la viande blanche…
Mon imagination poursuivait entre-temps les suggestions fomentées par ce(s) blanc(s).
Une nouvelle située dans l’Arctique, inspirée d’une légende inuit ou la chronique de l’inauguration d’une carrière de glace où l’on débiterait les blocs de banquise.
Un épisode inédit de la vie de Blanche-Neige fictivement attribué à Walt Disney.
Le journal secret d’un mafieux relatant minutieusement ses états d’âme et ses opérations de blanchiment d’argent.
Une histoire codée dans le milieu de la musique, jazz-band ou orchestre symphonique, où des notes et en l’occurrence des blanches auraient une signification dramatique bien précise.
Une histoire de téléphones blancs inspirée du cinéma italien des années 1930.
Une histoire de nom jeté, celle d’un certain « Blanc-Blanc », par exemple, et pour en augmenter l’agrément littéraire, je prétendrais que l’anecdote m’aurait été racontée par ma grand-mère lors d’une veillée funèbre.
Une histoire de mariage blanc entre noirs.
Une histoire de montagnes, de neige éternelle, de guides, de courage et de cran où interviendrait le Mont-Blanc. Et pour être politiquement correct, la dimension transfrontalière de cette célèbre montagne serait prise dans sa juste considération. Une variante pourrait en être la relation d’un acte d’héroïsme passé sous silence par les médias, lors de l’incendie qui avait provoqué la mort de quarante personnes en mars 1999 dans le tunnel, précisément, du Mont-Blanc.
Un récit de duel à l’ancienne, armes blanches, une histoire d’affront à laver dans le sang. Et lorsque l’affront aurait été lavé on apprendrait que le sang n’était pas rouge mais blanc, génétiquement modifié.
Une histoire d’espionnage industriel où la pièce maîtresse de l’enjeu serait un agent blanchissant au-dessus de tout soupçon ?
Mon cerveau avait beau battre la campagne, s’exalter, courir après les idées, sœur Anne, point de nouvelles en vue.
Non, décidément, l’inspiration me faisait défaut. Ce thème « Blanc(s) » ne me disait vraiment rien qui vaille, pas la moindre bribe d’inspiration.
Pour cette année c’était fichu. Adieu prix, réception, photos et télévision.
L’année prochaine, peut-être, qui sait, un thème qui m’irait comme un gant ? Tiens « gant(s) » ça pourrait être un thème intéressant, non ?
Bruxelles, 19/05/2006
Illustration : Gants de boxe