Constructions mentales

J’aime les paradoxes car ils permettent de glisser sur les raccourcis de la réalité. Nous font-ils approcher les imperfections de ce qui est ? Aussi, sans doute. Et les savants, les philosophes, les poètes peuvent trouver dans ces représentations des poternes pour entrer dans des mondes parallèles.

Ces mondes parallèles existent par nos constructions mentales. On peut les inventer. La preuve ?

Prenez une carte du monde (planisphère). Inversez-la. Ce n’est plus la terre accoutumée. Ces continents mis sens dessus dessous deviennent tout d’un coup étranges.

Il nous semble de visualiser l’état de continents d’époques géologiques révolues ou mieux l’image inédite d’une planète tellurique surgie du fin fond de quelque galaxie. Terre « autre » que recherchent, avec leurs télescopes, les astronomes assidûment.

Tournai 17/11/2009

Illustration : Carte inversée du monde

La parabola dell’arancia

Mio padre mi raccontava questa parabola :

« C’era una volta una persona che stava camminando e ad un tratto gli venne un pò di fame. Frugando nella sua borsa a tracolla ne trasse via un’arancia, l’unica cosa da mangiare che aveva. La sbucciò, sentì il profumo che emanava dal frutto, si mise in bocca gli spicchi.

Notò allora che dinnanzi a lui, un po’ più avanti, un’altra persona aveva avuto la stessa sua idea. Ma quella persona aveva una borsa più grande ed egli vide che aveva molte più cose da mangiare.

Stava per lamentarsi quando, voltandosi, vide dietro di lui, a poca distanza, un’altra persona che non aveva nessuna borsa e che stava raccogliendo le bucce che lui aveva appena buttato. »

Aggiungeva mio padre :

« Certo, uno deve sempre guardare davanti a sé ma senza invidia perché dietro c’è sempre qualcuno che sta peggio di te ».

Bellissima parabola.

Contrariamente alla prima impressione che uno potrebbe ricavarne, essa non significa minimamente rinunciare ad andare avanti, a realizzare i propri progetti. E nemmeno a tollerare un qualsiasi status quo.

Questa parabola, a mio parere, insegna ad avere fiducia in sé, a non vedere le cose in modo unilaterale, ad essere equilibrati nei giudizi e quindi temperati nell’agire.

Rumes 14/01/2008

Illustration : Renato Guttuso, 1969 – Oranges amères (Arance amare)

Ecrire de la poésie

Ecrire de la poésie, c’est écrire « autrement », c’est-à-dire par symboles et raccourcis, en élaborant en même temps qu’en exprimant une mythologie personnelle.
La poésie se déploie essentiellement par secousses sismiques. C’est son mode de fonctionnement. L’intuition y joue aussi un rôle essentiel.

Bruxelles 5/04/2006

Illustration : Fantaisie de Gérard de Nerval, manuscrit autographe signé et daté 1833

Fallait-il plus de candeur

Fallait-il plus de candeur
Pour atteindre les instants magiques

Ou est-ce la surprise des sens
Qui demeure entre tout la plus forte

Peux-tu me dire
Ce que ces jours représentent

Les arbres étirent leurs ombres
Et nous ouvrent une route

L’hiver est propice
Aux forces naissantes.

Bruxelles 12/03/1999

Illustration : Joseph Coosemans (1828-1904), sans date – Forêt de Soignes en hiver

Pendolare

Certo che fare il pendolare non ti apporta nessuna gloria. Anzi, la monotonia del percorso, il grigiore della quotidianità ripetuta ancora e ancora, i sedili impersonali, l’indifferenza generale dei viaggiatori, estendono dentro di te un velo opaco di noia, di freddo silenzioso, quasi di nebbia del cuore.

Meno male che ci sono i libri, i computer portatili, i telefonini per distrarre dal senso di vacuità di questa linea del tempo in sospensione ;

Meno male che talvolta (di rado) ci sono certi incontri, certi dialoghi, certi sorrisi e certe mosse ;

Meno male che dai finistreni irrompono certi flash : un cavallo baio sul prato, case in costruzione, nidi sugli alberi, il sole nascente con la sua tavolozza di rossi gialli arancioni, oppure una nuvola tutta grigia simile ad un sommergibile.

Rumes 5/11/2009

Illustration : Vue depuis la fenêtre d’un train en mouvement

Un « flash » énigmatique – 2/2

Je m’étais retrouvé, à l’occasion d’un souper organisé par le club de conversation italienne de Tournai, à la même table d’un nouveau venu au club, Joseph P., un membre que je ne connaissais pas et avec lequel, par la force des choses, je n’avais jamais échangé.

Quand je précise à ce-dernier, lors des présentations, que j’habite à Rumes, « Ah ! », s’exclame-t-il, « je connais bien Rumes, j’y suis venu souvent ».

Je spécifie alors que j’habite dans la maison qui avait appartenu au docteur Maurice Delbecque, le chef de la Résistance, pendant la guerre. C’est alors qu’il ajoute et je reçois cela avec un certain effet : « Son fils Jean était mon ex-beau-père ! ».

Bien sûr, nous avons parlé de l’engagement dans la Résistance du docteur Delbecque et je ne peux alors m’empêcher de demander à mon interlocuteur si le docteur avait caché chez lui des aviateurs alliés.

« Il a abordé un jour ce sujet », me confia-t-il. « Non, c’était très dangereux. Cependant, il admit qu’une fois, une seule fois, il dissimula un aviateur dans sa maison ».

Était-ce le bel homme blessé qu’avait vu en flash, allongé dans le salon, Nunzia G. ?

Vincent D. et Lucas M. — un autre passionné d’histoire locale et notamment des personnages et péripéties liés à la Résistance pendant la seconde guerre mondiale, que Vincent D. m’avait proposé de contacter — m’indiquent peut-être la clé de l’énigme : il pourrait s’agir de Charles Carlson, pilote américain dont l’avion bombardier avait été abattu et qui avait miraculeusement survécu à un saut sur nos contrées (son parachute avait été endommagé à bord de l’avion lors du mitraillage !).

Ils me communiquent plusieurs photos de Carlson. Blessé à l’atterrissage, le pilote récupéré ne pouvait dès lors suivre la filière classique d’exfiltration.

A-t-il été soigné clandestinement par le Docteur Maurice Delbecque ? Très certainement. Est-il resté caché convalescent pendant quelques jours ou davantage dans la maison du Docteur ? Le témoignage de Joseph P. semble le confirmer.

Reprenant contact avec Nunzia G., je transmets à celle-ci les photos du pilote américain.
« Ressemblant », me répond-elle, dans son mail. Et en effet, Carlson a des cheveux (très) noirs et apparemment ondulés. « Ressemblant, mais le nez était plus fin ».

La personne que Nunzia G. a vu dans son « flash » était plongée dans la semi-obscurité. S’il s’agit bien de Charles Carlson, comme on peut le supposer, se pourrait-il que la pénombre aurait altéré la perception de la forme du nez ?

Rumes 30/11/2022

Illustration : Charles Carlson. C’est la photo qui a été utilisée par la Résistance française lors de la confection, pour cet aviateur américain, de faux papiers d’identité (mai 1944)

Un « flash » énigmatique – 1/2

Je n’avais plus revu Vincent D. depuis quelque temps.
« Tu habites à Rumes », me dit-il, en ouvrant et tout en feuilletant devant moi un gros volume. « C’est le livre que je viens de publier. L’histoire du collège où j’enseigne. L’histoire du collège de Kain pendant les années de tourmente de la deuxième guerre mondiale. Hé bien, on y trouve la photo d’une maison de Rumes, regarde, c’était la maison du commandant de la Résistance, le docteur Maurice Delbecque ! ».

Je reconnus, bien sûr, la façade de l’édifice : « C’est ma maison », lui dis-je, « et je connais une partie des péripéties liées à l’histoire de la Résistance et de cette maison.
Elles m’ont été relatées au moment de l’achat de la maison, par son fils Jean, médecin lui-même. Notamment, l’épisode survenu à l’approche de la Libération lorsque le docteur Delbecque, par crainte d’être surpris par les services allemands, se cachait pour dormir dans une anfractuosité du grenier…
A la fin de la guerre, le chef de la Résistance a poursuivi sa fonction médicale, tout en restant discret, d’après ce que j’en sais, sur ses activités du temps de guerre… »
.

Le quartier où se dressait la maison du docteur Delbecque figurait comme un haut lieu d’esprits réfractaires à l’Occupation germanique.

A quelques pas de là, vivait Henriette Hanotte, de son nom de code Monique, dont le domicile servait de lieu de passage pour l’exfiltration, par le réseau « Comète », des aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus — et qui pouvaient ainsi retourner en Grande-Bretagne, en passant par la France et l’Espagne.

Est-ce la publication de son ouvrage et l’expertise qu’il avait acquise concernant l’histoire locale de la seconde guerre mondiale, c’est un fait que Vincent D. devint, par après, le président et le secrétaire de l’association mémorielle « Fraternelle de l’Armée Secrète » de la région de Tournai.

Par la vertu de ses fonctions, il pouvait accéder aux archives de l’association dont il était devenu, en quelque sorte, le garant et le conservateur.

L’ayant rencontré à l’une ou l’autre occasion, au cours de laquelle nous étions de nouveau revenus sur l’engagement du docteur Delbecque dans la Résistance, je lui proposai de venir rendre visite à la maison où avait habité le docteur.

Vincent D. vint le jour convenu et ne se présenta pas les mains vides : il ramena avec lui plusieurs documents d’époque soigneusement photocopiés qu’il s’attacha à présenter et commenter et qu’il m’autorisa à consulter.

Nous partagions un dessert pendant le déroulement de notre rencontre qui avait lieu dans le séjour.

Il me confirma que le docteur Delbecque avait pris le risque de cacher chez lui, pendant plusieurs mois dans son salon, un référant de la Résistance locale, l’abbé Dropsy, recherché par la Gestapo.

A l’époque, le séjour et le salon ne formaient pas un ensemble ouvert comme c’est le cas aujourd’hui, les deux pièces étaient séparées par quatre portes reliées.

Depuis le séjour, Vincent D. et moi-même pouvions ainsi imaginer et visualiser l’abbé Dropsy reclus dans le salon, volontairement occulté.

Quelque temps plus tard, après l’organisation, en France, dans la région frontalière, d’une cousinade géante qui avait permis de renouveler et resserrer les liens avec les diverses branches de ma famille, j’avais invité à déjeuner à la maison un groupe de cousins et cousines.

Au cours des échanges qui ont lieu, je rapporte à tous les présents comment la maison s’était retrouvée impliquée dans les péripéties de la Résistance.

C’est alors que je vois ma cousine Nunzia G., réputée sensitive dans la famille, pâlir et quasiment défaillir alors qu’elle est en train de regarder en direction du salon.

En reprenant ses sens et devant tous les convives surpris et tout de même inquiets d’avoir assisté à son malaise, « Je viens d’avoir un flash », révèle-t-elle.

« J’ai vu quelqu’un assis, un peu affalé, contre un coin de canapé, jambes repliées. Un bel homme. Grand de taille, yeux sombres, teint ni clair ni basané mais entre les deux. Cheveux noirs, même très noirs, ondulés. Il portait un vêtement qui serrait la poitrine, en tout cas un vêtement qui n’était pas ample, vêtement couleur vert sombre. Il devait avoir la trentaine, disons 25-30 ans. Il était blessé. ».

Bien sûr, tout le monde reste interloqué par cette annonce surprenante.

Immédiatement, je songe à quelque aviateur qui aurait nécessité des soins et que le docteur Delbecque aurait autorisé, en dépit de l’immense risque encouru, à demeurer momentanément chez lui, caché dans le salon.

L’affaire aurait pu en rester là, figée dans la quatrième dimension, ce domaine illimité mixant imagination, visions et réalité.

Sauf que, récemment, le hasard des rencontres en a décidé autrement.

Rumes 30/11/2022

Illustration : Des membres de l’Etat-Major du groupe 60 (« Armée Secrète ») devant la maison de son commandant le Docteur Maurice Delbecque (deuxième à partir de la droite) – Rumes, septembre 1944 (Source : « Pévèle », revue n° 8 et 9 de la Fondation Pévèle, « Spécial Libération », 3e trimestre 1994)

N.B. Dans ce récit, j’ai opté pour l’anonymat concernant les personnes vivantes. Par contre, j’ai indiqué le nom entier pour les personnes trépassées.

Marche blanche

A la Marche blanche du dimanche 20 octobre 1996, je défile (avec ma famille) au milieu de la foule. A un moment je me retourne et me trouve face à face avec Salvatore Adamo. Près de lui, en train de défiler également, un autre chanteur italo-belge, Claude Barzotti.

Je salue Adamo en lui faisant un signe de la tête. Il me répond de même, en me disant bonjour. Comment pourrait-il savoir que je le connais depuis que je suis enfant, que j’ai suivi sa carrière au fil du temps et que je l’ai toujours considéré un peu comme un grand frère ? Pour lui, hélas ! je ne suis qu’un parfait inconnu.

Tournai 5/12/2014

Illustration : Marche blanche du dimanche 20 octobre 1996 à Bruxelles (Belgique) pour honorer la mémoire des victimes de pédophilie. On estime, généralement, « à plus de 300.000 » le nombre de participants à cette marche. Cependant, sur base d’estimations plus pointues, ce nombre serait largement sous-estimé : plus de 600.000 personnes auraient manifesté ce jour-là