Pirandello

Assisté à la représentation (réussie) de « Six personnages en quête d’auteur » de Luigi Pirandello au théâtre de la Place des Martyrs à Bruxelles.

Cette pièce, centrée sur l’autonomie des personnages par rapport à l’auteur — une fois qu’ils ont été créés — et en même temps sur leur nécessaire et invariante destinée, est bien représentative de l’état d’esprit de Pirandello.

Elle aborde (certes d’une manière quelque peu intellectualisante) le thème central de toute son œuvre : le problème de l’identité. Et par conséquent du jeu (théâtral ou social, c’est idem) de l’illusion, de la vérité, de la fiction que tout un chacun anime. Pour tout dire, de la folie et de la raison.

Pirandello n’avait qu’à puiser autour de lui pour exprimer cette réflexion : lui qui est né dans un lieu-dit appelé Chaos (lequel symbolise mieux que tout autre mot l’absence de repères) ; près d’une ville qui a changé de nom (Girgenti est devenue Agrigente en 1929, sous Mussolini) ; dans cette terre sicilienne des Grecs qui avaient voulu démythifier les Dieux et la Nature elle-même (c’est-à-dire leur enlever le masque de l’apparence) ; qui a vécu avec une femme devenue folle.

Lui, originaire d’une Sicile qui a été, tout au long de son histoire, un territoire de frontière (et l’on sait que dans ces territoires critiques les problèmes identitaires sont exacerbés), relié à un pays aussi où la Mafia constituait déjà une puissance régissant d’une manière occulte la vie des gens, organisation dont l’existence est niée, parfois, par les Siciliens eux-mêmes.

Rumes 19/01/2008

Illustration : Massimo Tuzio, 2019 – Statue de Luigi Pirandello (Capriate San Gervasio, Italie)

Elise et Flavia s’étaient perdues

Elise et Flavia s’étaient perdues
En s’avançant entre les tiges
Du champs de maïs voisin

« En continuant à marcher tout droit »
Dit avec assurance Flavia
« On arrivera au bout du champ
Et alors on rentrera à la maison »

Flavia au doux nom romain
Expérimenta ce jour-là d’un coup
La maîtrise de soi
Le pouvoir de conviction
Et les dimensions finies des surfaces
Des actions et du temps.

Rumes 31/08/1999

Illustration : champ de maïs

Castello normanno

Il castello — detto normanno — si ergeva non tanto lontano dal paese. Bei ruderi tramandati da epoche irrequiete.

Uno zio, quello tornato dal Venezuela, aveva comperato i campi ai piedi del monumento e li coltivava.
Andai a visitare il castello con mio padre e mio fratello, era d’estate.

Esso dominava il panorama circostante esprimendo certa fierezza per la propria resistenza agli effetti del tempo.

Toccare di mano un castello « normanno », nel proprio paese natio per di più, era fonte di altrettanta fierezza, di emozione intensa, per me, ragazzo quattordicenne appassionato di storia e vivente a 3000 km dalla Sicilia.

Con la macchina fotografica (ricordo, di marca Bencini), feci tante fotografie in bianco e nero del sito : di fronte, di profilo, anche dalla parte più ripida.
Fotografie dimenticate ormai in qualche cassetto o dentro qualche scatola in soffitta.

Rumes 13/09/2008

Illustration : Arcangelo Petrantò, 1966 – Château normand (« lu castiddrazzu ») de Delia (Sicile)

Résonance

Certains livres peuvent nous abattre, certains auteurs nous déstabiliser.

J’ai beaucoup lu Apollinaire. J’aimais son écriture « moderniste », imagée, directe.
Mais sa mélancolie native venait résonner contre la mienne. Au début, d’une manière discrète mais qui allait progressivement s’amplifiant.

Par la suite, je m’aperçus que chaque fois que je lisais Apollinaire je tombais en déprime, je devenais malade au sens littéral du terme.
J’ai dû cesser de le lire.

Sans doute, certains écrivains — poètes en particuliers — sont-ils liés à des saisons précises de notre vie, tantôt éclatantes, tantôt chagrines.
Apollinaire, d’une certaine manière, alimentait vigoureusement cette seconde veine.

Rumes 31/01/2008

Illustration : Clelia Petrantò, 2004 –Arcangelo Petrantò (esquisse)

Espaces disciplinés

Ce qui me passionne précisément dans l’esprit et l’action de la Rome antique c’est le caractère stratégique.
Comme l’a fait remarquer Umberto Eco, la délimitation de l’espace et de la frontière.
De la création de villes aux confins du désert au tracé de routes essentielles dans les pays les plus divers.
Sur le plan des idées, la constitution du Droit et de l’institution juridique là aussi détermination de frontières, création d’espaces disciplinés.

Taintignies 2/06/1986

Illustration : Mur d’Hadrien, édifié entre 122 et 127 de notre ère au nord de l’Angleterre (antique Britannia), pour délimiter la frontière de l’Empire romain (le Mur d’Hadrien est inscrit sur la liste du patrimoine mondial)

Figés dans nos gestes

Figés dans nos gestes
Qu’avons nous appris
Des autres et de nous-mêmes ?

Jadis le pas alerte
L’esprit aux aguets
Tout résonnait dans le cercle
Le désir aussi mirage prompt
A surgir à s’immiscer

Mais les mots ont perdu leur finesse
Et même les chagrins sont devenus périmés
(Ils ont largement dépassé
Leur date limite de validité).

Bruxelles 3/11/2016

Illustration : Isidore Odorico, première moitié du 20e siècle – Mosaïque