C’était le triomphe de l’œil magique

L’imposant meuble-radio Schneider Bolero 57, surmonté d’une platine tourne-disques, trônait dans l’appartement. Le soir, de la grande baie vitrée parvenait le reflet atténué de l’éclairage public et de la clarté lunaire.

Dans cette pénombre bénéfique, j’allumais le poste de radio. Installé dans un fauteuil, je parcourais doucement, avec le sélecteur, le cadran sur lequel figuraient le nom d’une soixantaine de stations. Voici Paris, London, Moskva, Praha, Monte Ceneri, Lisboa, Roma

Alors, j’explorais le monde par l’oreille. Ondes courtes accompagnées parfois de sons étranges, de mélodies irréelles, de rebonds mystérieux, de chevauchement de voix insaisissables…

C’était le triomphe de l’œil magique, voyant qui indiquait la qualité de réception. Œil vert fascinant, d’une intensité merveilleuse.

L’arrivée, plus tard, de la télévision et du transistor ne chassa pas la radio de la maison. Suivant l’esprit du temps — la Russie soviétique et l’Amérique de la libre entreprise ayant proclamé la cohabitation atomique — la télé et la radio coexisteront pacifiquement et durablement dans l’appartement.

Tournai 9/02/2016

Illustration : Meuble-radio Schneider Bolero 57

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