
Pendant les vacances d’été en Sicile, nous logions chez les grands-parents maternels à Canicattì, dans la partie haut perchée et ancienne de la ville, Borgalino.
A vrai dire, la ville, en ces années du milieu des années soixante, commençait à se moderniser et à s’étendre tout en bas sur les terrains plats où déjà se trouvaient la grand-rue, la mairie, des commerces, des écoles, des cercles. Mais notre séjour se déroulait, pour l’essentiel, dans la vieille ville.
Nous avions, mon frère et moi, deux cousins plus âgés que nous, deux frères qui suivaient, l’un et l’autre, des stages dans la partie basse de la ville. Parfois, ils venaient déjeuner chez les grands-parents au terme de leur matinée d’apprentissage.
Mon frère et moi savions l’heure à laquelle ils remontaient les rues pentues. Alors, nous allions à leur rencontre, en nous postant sur la placette de Borgalino (chiazza di Brualinu), guettant leur arrivée sous un soleil accablant.
Nous étions récompensés de notre attente patiente en recevant chacun une piécette de cinq lires (piécette qui représentait en revers un joyeux dauphin). Avec les cinq lires on pouvait s’acheter une glace avec une boule…
Ah oui ! Ces cousins suivaient donc une formation : le premier en couture et le second en mécanique automobile.
Le mécanicien, par ailleurs pince-sans-rire, est devenu un chirurgien hors pair de fringantes macchine. Je l’ai vu une fois, bien plus tard, en pleine action, intervenant avec ses vêtements du dimanche d’une manière virtuose dans un dépannage d’urgence. C’est à cette occasion qu’il a dit : « un maître ne se salit pas ! »
Le couturier, lui, s’en est allé aux Amériques où il a fait fortune. C’est lui qui confectionnait les costumes, entre autres, du président Bush père, de Magic Johnson, de Silvester Stallone ou encore d’Arnold Schwarzenegger !
Rumes 23/06/2015
Illustration : Piazza Roma, Borgalino (Canicattì, 1954)