Fuir ! Là-bas fuir ! disait-il en proie au délire

Fuir ! Là-bas fuir ! disait-il en proie au délire
Pourtant retenu ici par l’ennui
Qu’y avait-il tout au bout du large
Sinon l’abîme
Quels îlots fertiles
Quelles femmes aux seins lourds
Quel exotisme de pacotille
Oui partir ! Véloce comme Achille
A la poursuite d’inaccessibles buts
C’est ici pourtant qu’il faut vivre
Dans le fracas muet des jours
Même les tempêtes les plus terribles
Prennent des airs d’insignifiants zéphyrs
Et la tortue nonchalamment
Poursuit sa route.

Namur 16/02/2018

Illustration : Polynésie française, carte postale, début du 20e siècle – Nini et Taitua (femmes tahitiennes)

Reality show

Dans la rue.
La femme était vraiment fâchée :
« Va te faire foutre ! »
L’homme n’était pas moins énervé :
« Espèce de conasse ! Pétasse ! »

Cela a continué ainsi un certain temps.
Tout au long de l’échange, je ne suis jamais parvenu à comprendre ce qui les avait excédés (j’ai même eu l’impression, un moment, qu’ils s’insultaient d’une manière codifiée, presque chevaleresque).

Ils sont repartis ensemble tout en continuant de s’injurier.

Rumes 28/12/2007

Illustration : Tournoi de Sorelois, 15e siècle
(Source : Bibliothèque nationale de France, Paris, France)

Je ne prétends pas être un poète

Je ne prétends pas être un poète. Je rôde aux frontières de la poésie et de la matière poétique. Mais je n’ai du poète ni la gravité ni la fantaisie. Encore moins la prétentieuse manie de vouloir accéder à « autre chose », à des degrés.

Les textes que j’écris sont plutôt des formes de complaisance vis-à-vis de mon intellect et de mon histoire (explicite et intime). Ma « poésie », en quelque sorte, n’est que ma « putain de service ».

Taintignies 12/11/1987

Illustration : Maison close

« Studio 64 »

Mon oncle Gaétan arriva, ce jour-là, tout enthousiaste chez nous. Il avait appris qu’un concours de musique, avec des prix à la clé, allait se dérouler dans une des écoles de la ville.
Il convainc mon père que je dois participer à ce concours avec son fils. Rectificatif : pas nécessaire de convaincre mon père, cela allait de soi.

Le temps de sangler mon accordéon dans une sacoche et me voilà embarqué dans la Renault Dauphine.
Direction l’école en question. Pour la circonstance, la grande pièce où se déroulait le concours avait été baptisée « Studio 64 ».

Affluence bon enfant des fancy-fairs d’antan, sans smartphones, sans selfies, sans Facebook et sans jeux vidéos.

Une estrade, c’est notre tour. Face au public et au jury. On installe les pupitres, on sort nos partitions de chansons populaires. Nous concourrons, en duo, mon cousin Angelo Gallo et moi, dans la section « instrumental », lui avec son accordéon rouge, moi avec mon accordéon vert.
La prestation se passe plutôt bien. Applaudissements.

Il fallut attendre au soir la proclamation des résultats. Vive satisfaction des parents : nous avions gagné le premier prix. Nature de la gratification remise aux jeunes héros ? A chacun un pyjama !

Bruxelles 25/01/2016

Illustration : Le « Studio 64 » installé dans l’école des frères à Tourcoing (France), 1964 (photo Nord Eclair)

Calendario personale

E così un altro anno è cominciato, con la speranza (mai sopita) in ognuno di noi che l’anno « nuovo » sarà migliore, più proficuo, più buono.
L’eterno venditore di almanacchi del Leopardi all’angolo dell’anno nuovo.

E poi, il disincanto puntuale, gioie ma anche pianti, luci ed ombre, vittorie e disfatte.
Banale corso dei giorni.

Ovviamente, non è il calendario che detta una sua legge (i calendari sono come dei notai : prendono atto in modo formale del « contratto » annuale), no, sono gli « eventi ».
Sono proprio gli eventi a darci il senso del tempo, a segnare le cornici della nostra esperienza, a stimolare le nostre interpretazioni.

Ognuno, quindi, vive al ritmo di un calendario personale che solo raramente combacia con quello del vicino. I tempi sono diversi, le sensazioni, le reazioni anche.

Quello che ci accomuna con gli altri è la « fatalità » del dover vivere.
Ed è per questo che gli almanacchi talvolta ci possono servire : come feticismo, come ricettacolo delle nostre angosce.

Bruxelles 16/01/2009

Illustration : Anonyme (école française), 17e siècle – Colporteur

L’essentiel

En somme il faudrait rejoindre
L’essentiel mais d’abord il
Faudrait déterminer avec
Précision son emplacement
Et sa nature réelle
Ensuite préparer une
Expédition digne de ce nom
Enfin être disponible
Intérieurement sans compter que
D’ici là beaucoup d’éléments sont
Susceptibles de modification
Et précisément les coordonnées
Qui déterminent l’essentiel
Par conséquent
Je suggère de revoir ce
Problème d’ici quelque temps.

Taintignies 12/04/1989

Illustration : Robert Indermaur – Trou d’eau IX

Citrons

Les citrons me désarçonnent
Ils m’attirent et me révulsent
Me fascinent et me griffent
Pourtant leurs atours sont avenants
D’un éclat soutenu solaire
C’est leur nature d’être ambigus
Mais d’une manière si sincère.

Tournai 5/09/2018

Illustration : Gérard Fally – Citrons