
Si l’on considère que l’acte d’écrire vise à retranscrire, manipuler ou influencer le réel ou même à vouloir le recréer sous la forme d’une réalité virtuelle, peut-on pour autant dire que l’écriture constitue un acte libérateur ?
L’écriture constitue avant tout un enjeu personnel même s’il implique un contexte social et relationnel.
L’écriture peut-elle rendre libre donc ? A cette question académique, je voudrais apporter une réponse dans le cas particulier de l’écriture poétique, et dans ce cas précis je dis fermement : pas vraiment.
Car cette libération peut prendre toutes les apparences d’une illusion.
Dans ma naïveté, j’avais estimé que la composition de textes poétiques pouvait rendre libre et même démiurge.
Pouvait arracher des voiles qui recouvrent le réel et desceller des chaînes. C’est d’ailleurs le mythe même de la démarche poétique, son versant ensoleillé, celui qui est vendu à grand renfort de réclame.
Mais, au fond, écrire de la poésie n’est qu’un jeu de dupes que beaucoup prennent au sérieux au fur et à mesure qu’ils tombent sous l’emprise de cette addiction.
L’écriture (et spécifiquement l’écriture poétique) par principe ne rend pas plus libre qu’elle n’asservit. Elle peut libérer ou du moins donner l’illusion de la liberté mais elle peut aussi tourmenter, flétrir, déraciner.
Restent les textes, sortis de leur gangue c’est-à-dire de l’inspiration, des contingences, des inflexions de la machinerie humaine.
Textes parfois tellement beaux parfois vénéneux.
Rumes 31/05/2015
Illustration : Le poète allemand Friedrich Hölderlin (1770 – 1843)
Texte écrit à l’attention de Marie-Clotilde Roose, animatrice du « Cercle de la Rotonde » ; il fait partie de l’« Anthologie des textes inédits de 25 auteurs pour le 25ème anniversaire du Cercle de la Rotonde »