
Cher Antoine,
Hélas, je ne possède pas ta « science littéraire » et l’analyse textuelle telle que tu la pratiques est hors de portée pour moi (cf. l’analyse magistrale que tu avais faite d’un de mes poèmes)… Je me contenterai donc d’émettre sur certains textes que j’ai préféré quelques jugements critiques totalement subjectifs basés uniquement sur des impressions…
Mais d’abord, je voudrais faire une distinction que j’estime légitime (mais là aussi totalement subjective) quand il s’agit de lire des textes poétiques (et tout particulièrement poétiques) à savoir la distinction entre des textes que l’on perçoit immédiatement (et dont l’apparat critique viendrait plutôt affadir la perception) et des textes pour lesquels les éléments critiques seraient plutôt nécessaires (et viendraient au contraire renforcer la perception).
Pour ces derniers textes, par éléments critiques j’entends un approfondissement de la matière poétique et donc de la langue, la connaissance de l’auteur (éléments biographiques), les significations vraisemblables.
« Partance » serait le prototype du premier type de lecture. Dans ce texte, tu as su préserver un mystère. Tu as su dématérialiser la réalité. Et la suggestion me suffit. En savoir plus, peut-être, nuirait à l’éclat des sensations…
« Andalousie nocturne », par contre, serait le prototype du second type de lecture. C’est probablement mon texte préféré. Comme tu as su rendre vivante cette anecdote de ta vie que tu m’avais racontée de vive voix ! Ici, le fait de te connaître un peu, d’en savoir « plus » sur cette expérience, donne davantage de profondeur à l’événement et donc au contenu.
J’aime le réalisme de « J’aime les tulipes ». Cette sorte d’interpellation qui est en fait un aveu de tes propres attirances est presque émouvante.
Du « Petit sonnet dragueur », personnellement, je ne garde que les trois derniers vers. Mais quel raccourci prometteur !
« Mes amours de grenaille et de ramon » est un texte que je trouve amusant même si, c’est vrai, je ne suis pas trop sensible aux effets de langue pour les effets de langue. Mais celui-ci laisse entrevoir à travers les jeux de mots, et les sonorités en « aille », des péripéties variées d’amour et peut-être en filigrane des « aïe » ?
« Consuelo » est un texte qui enivre. On dit que les Vénézuéliennes sont les plus belles femmes du monde… J’en ai déjà rencontré au moins deux et je peux témoigner que cela doit être vrai…
« Sous le Christ cloué », bel exemple d’anecdote poétique. Image parfaite. Photo Polaroïd.
« Angélique ». Courte et efficace. Rien à voir avec Béatrice. Dante en serait tout retourné.
« A ma flamande », me plaît pour son aspect un peu mystérieux, magique, sensuel (ah ! ces cigarettes blondes…) même s’il laisse à la fin un certain sentiment de malaise. Cette lecture pourrait suffire. Mais, en fait, on aimerait en savoir plus sur ces brunes et ces blondes, sur cette ronde, sur celui qui souhaite être repris dans la ronde, sur ces hommes (commence alors l’inquiétude ?).
Voilà, je ne pense pas être un bon critique. Mais je t’ai donné quelques impressions sur les textes qui m’ont le plus touché.
Je te remercie pour la confiance que tu m’accordes et ton amitié.
Rumes, 16/04/2004
Illustration : Antonio Cabral Bejarano, 1842 – La danseuse de boléro
Message envoyé à Antoine Pollet — poète, enseignant et permanent syndical national — à l’occasion d’un échange de correspondance suite à une lecture croisée critique de quelques uns de nos textes poétiques