L’Imposteur je le connais peu C’est un chat bicolore Qui vient traîner parfois dans le jardin Il ne craint pas de s’approcher Jusque devant les fenêtres Comment le reconnaître Une large bande blanche Traverse son noir flanc droit L’Imposteur ainsi l’avais-je dénommé Car confondu plusieurs fois Avec l’Astuce mon chat familier Au pelage noir et blanc idem.
Le Centre culturel de Tourcoing avait été réactivé après une période de léthargie.
Pour l’occasion, on avait invité quelques jeunes étrangers présents dans la ville, notamment une Camerounaise… et deux Siciliens : Angelo Gallo, mon cousin, et moi-même.
Evidemment, un journaliste (en l’occurrence de « La voix du Nord ») était venu faire une photo de l’évènement local et avait écrit un bref article pour l’une des éditions des jours suivants.
Un dialogue interculturel avant l’heure. Du moins dans les intentions. Bien sûr, cela n’a duré que ce que durent les roses, le temps de quelques rencontres, mais j’ai gardé de ces échanges le goût du dialogue, de la découverte de l’autre.
Exit ce candide exotisme, je me pris d’affection pour la bibliothèque du lieu. Non pas tant pour les livres dont la plupart n’étaient pas récents mais surtout pour l’environnement.
Car je me rendis compte assez rapidement que peu de gens (pour ne pas dire personne) fréquentaient cette bibliothèque.
Le cadre me convenait, j’en fis ma salle d’étude privée — je pouvais même consulter sur place diverses revues auxquelles le Centre était abonné, notamment les fameux magazines américains « Time » et « Life ».
La pièce était assez spacieuse sans être pour autant démesurée. Bien éclairée et bien chauffée, elle disposait de chaises et d’une grande table. J’y établis mes quartiers. C’était parfait.
C’est ainsi que pendant toute la durée de mes études secondaires, la bibliothèque du Centre culturel est devenue ma deuxième maison. Là, j’ai fait nombres de devoirs scolaires, j’ai élaboré des projets, j’ai composé des textes poétiques.
C’était ma retraite secrète, l’endroit où je pouvais me ressourcer. Une solitude bénéfique.
Bruxelles 1/02/2016
Illustration : Magazine « LIFE », page de couverture du 4 mars 1966
Ci hanno detto il mondo è buio E per questo è meglio chiuderlo Non sappiamo quanto sia buio Per noi è chiuso e buio
Ci aggiriamo per il mondo misero Con un recinto che portiamo addosso Sappiamo che il mondo è misero
Vediamo il mondo Attraverso un finestrino Il mondo nostro prigioniero Che trasciniamo ogni momento Altrove le nostre sorelle Dicono che il mondo è bello.
Tournai 16/06/1998
Illustration : Steve Evans, 2005 – Femmes afghanes portant la burqa
En compagnie de mon frère Santo, j’ai revu le casello il y a de cela quelques années. Mais quelle affreuse déception que cette dernière vision ! La magie des lieux s’en était envolée…
L’accès à la maison était devenu plus difficile, en raison des barrières de sécurité continues bordant la route nationale. Et d’ailleurs, le sentier qui de la route menait en contrebas avait disparu.
Le site entier avait maintenant une triste apparence.
Les lignes ferroviaires avaient été électrifiées si bien que la vue apaisante qui avait fait le charme de l’endroit avait été défigurée par les caténaires et les poteaux.
En outre, la cour située devant le casello avait servi de décharge pour le surplus de terre à l’occasion des travaux d’électrification.
Sur ce monticule avaient poussé des arbustes qui s’élevaient désormais à hauteur de la maison et formant devant elle une tache verte énorme — aussi volumineuse que la maison.
Cette représentation corrompue d’un lieu autrefois merveilleux tout le monde peut encore aujourd’hui le constater de visu. Pas besoin de bouger. Il suffit d’un ordinateur et de Google Street View…
Bruxelles 9/12/2015
Illustration : Capture d’image Google Street View, 2022 (prise de vue Google : 2021), le « Casello ferroviario Calì », Canicattì (Sicile), de nos jours
Nombre d’années après, je suis retourné visiter le casello avec quelques cousins. Une sorte de pèlerinage laïc ! Bien sûr, au terme de son service, mon oncle avait quitté la maison, si bien que n’étant plus gardée ni entretenue, elle avait été partiellement pillée.
Quoique tristement abandonnée à son sort, elle se dressait encore, fière gardienne de la séparation des voies. Elle inspirait le respect et dans ma tête elle résonnait toujours de l’animation qui avait régné jadis en ces lieux. Pour garder le souvenir de cette visite, je fis, à cette occasion, un petit film super 8 (durée trois minutes).
Mais cette incursion groupée au casello, figurant une sorte de patrimoine matériel et immatériel « familial », avait servi aussi de prétexte pour aller cueillir des « babbaluci » (petits escargots) qui grimpaient le long des tiges dans un terrain voisin où ces bestioles se rassemblaient en grand nombre.
Il faisait très chaud et en passant devant un puits perdu au beau milieu de la campagne, on demanda au paysan qui se trouvait à proximité l’autorisation de boire. Nous nous désaltérâmes. De retour en ville, les femmes s’appliquèrent à préparer les escargots en suivant une recette traditionnelle à l’ail.
Je me réjouissais déjà de ce repas du soir, lorsque, à l’improviste, une indigestion affreuse, accompagnée de crampes, vint me mettre complètement K.-O. « C’est à cause de l’eau pesante que tu as bue !… », entendis-je, autour de moi, à de nombreuses reprises.
Etendu sur le lit d’une chambre voisine, esseulé, abattu, j’entendais les rires et les éclats de voix de la tribu en train de savourer les escargots que j’avais contribué à cueillir l’après-midi.
De temps à autre, on venait me voir par sympathie, pour s’assurer que je supportais le jeûne…
Ce casello aurait sans doute fourni à Delvaux l’inspiration pour un tableau à la gloire des chemins de fer. Un de ces tableaux avec des femmes nues déambulant à côté des rails.
Moi, modestement, j’en ai tiré une photo en noir et blanc mais d’une facture que j’ose qualifier de « classique » par son cadrage et les justes proportions de l’ensemble.
Cette image conserve dans la vision qu’elle déploie une quiétude que l’on peut ressentir encore maintenant lorsqu’on la regarde.
Parce qu’elle a circulé dans la famille, cette représentation du casello est restée dans la mémoire familiale comme le havre de tranquillité d’un temps révolu.
Par la suite, deux artistes peintres ont été aussi conquis par cette image et l’ont reproduite en couleurs, sur base de mes indications. L’une sous forme d’élégante aquarelle, l’autre sous forme de tableau en peinture acrylique.