Peut-être est-ce dû à notre taille

La réalité ressemble à un filet auquel nous nous heurtons et par lequel nous sommes enveloppés. Mais peut-être est-ce dû à notre taille. Serions-nous plus infimes, nous passerions entre les mailles.

Bruxelles 16/03/2009

Illustration : Arcangelo Petrantò, 2023 – « Filets métalliques »
Image générée par IA (intelligence artificielle)

Mentre nella certezza del presente

Mentre nella certezza del presente
Sembrava facile già conciliare
Convinzione e finzione

A distanza di giorni ed anni
Viene a corrompersi il sogno ormai
E a confondersi con la realtà

Allora si cerca con ansia
L’angelo che da bambino
Appariva compagno sorridente
Nel nuovissimo cammino.

Taintignies 7/11/1983

Illustration : Francesco Botticini, v. 1470 – Les trois Archanges et le jeune Tobias (détail)

Il est certain que le lion

Il est certain que le lion
Est le roi des animaux
Pourtant celui-là
N’en tirait aucun orgueil
Libéral et débonnaire
Placide et vertueux
Il acceptait à sa cour
Le paon et la gazelle
Le condor et la vipère
A la seule condition
Disait-il de s’entraider
Réciproquement
Ne sommes-nous pas tous
Faits de poussière ?

Rumes 20/01/2020

Illustration : Albrecht Dürer, 1494 – Lion

Impatience du feu

A dix heures, ce matin, exercice d’alerte incendie au bureau. Sonnerie. On ferme les portes. Tout le monde se dirige vers les escaliers. Commentaires amusés, plaisanteries.

Seul un collègue ne présente pas un sourire de bon aloi. A deux heures, cette nuit, on a bouté le feu à la charpente de sa maison en construction. Coïncidence ? Impatience du feu ?

Bruxelles 27/11/2007

Illustration : Jacqueline Maertens, 2009 – Pendant une démonstration d’extinction d’incendie par les pompiers à Lessines (Belgique)

Si vous voulez connaître

Si vous voulez connaître
Parfaitement ma peau
Me dit-elle vous pouvez
Rester le temps qu’il faut
Et de plus je vous en prie
Utilisez la loupe

J’étais vraiment intéressé
Par les charmes de la belle
Et pour les dévoiler
J’étais prêt à passer
Diverses nuits sans sommeil

Malheureusement ce n’était

Qu’un revêtement d’électrons
Et je n’ai appris
Que le nombre de pixels
Composant sa superficie
Corporelle. Allons. Undo.
Cancel.

Bruxelles 25/09/1989

Illustration : Image matricielle

Les arbres balançaient leur houppe

Les arbres balançaient leur houppe
Semblaient danser mais d’une manière
Parfaitement retenue comme il convient
A des êtres à peine flexibles

C’est le vent qui donnait
Cette illusion de farandole
Les arbres semblaient si excités
Et en même temps comme essoufflés
Par leur prestation enracinée immobile.

Tournai 17/05/2010

Illustration : Eugène Laermans, 1899 – La tempête

Théophile de Viau

Ma première rencontre avec le poète Théophile de Viau s’est déroulée lors d’un concours de diction, alors que j’étais jeune adolescent. Le texte était imposé à ma classe d’âge. Nous étions peu nombreux à participer. Il s’agissait d’une ode, « Le matin ».

J’aimais ces vers pour l’agencement des mots et leur sonorité suggestive, pour les noms propres et de lieu (tels Cloris, Philis, le Mont Hymette) qu’on y trouvait disséminés ici et là, et qui m’impressionnaient un peu, mais surtout pour la symbolique propagée par le matin, la description et mise en scène du démarrage quotidien, pour l’énergie qui s’en dégageait.

Ce texte, par la suite, je l’ai retrouvé dans nombre d’anthologies du 17e siècle. Cependant, Théophile figurait au programme scolaire comme auteur marginal, comme « petit maître ».
Quelques années plus tard, je l’ai vraiment étudié.

J’appris qu’il était épicurien, libre-penseur, qu’il faillit mourir brûlé vif sur le bûcher (il s’enfuit et fut néanmoins brûlé en effigie, on ne plaisantait pas à cette époque), qu’il fut finalement emprisonné et qu’il mourut prématurément (à l’âge de trente-six ans).

J’appris qu’il fut le poète le plus lu du 17e siècle français avant d’être oublié (on pourrait dire évacué par le classicisme le plus rigoureux et dogmatique).

Ce qui me plaisait et continue de me fasciner chez Théophile, c’est son aisance dans l’écriture, le charme de son vocabulaire, son élaboration de la matière poétique (mots, images, sons, rythme), l’extrême sensibilité qui se dégage de ses textes.

Théophile, qui a refusé d’adhérer aux nouvelles contraintes classiques prônées à son époque, parvient, par son cheminement, à des résultats stupéfiants en termes d’images, d’effets, d’authenticité. Il a conscience d’être un écrivain moderne qui ne doit pas paraphraser les Anciens : il peut certes recevoir de ceux-ci des suggestions mais il doit rester par-dessus tout lui-même.

Par ailleurs, tout en étant un poète baroque (par certains aspects de sa technique d’écriture) Théophile ne persévère pas vers l’emphase et l’abstraction. Ses textes révèlent une élégance et une ambition qui surprennent par la douceur et la sincérité des sentiments. Une mélancolie gracieuse aussi.

C’est précisément ce paradoxe qui m’émerveille : sans avoir été un chef d’école (à la Malherbe) Théophile parvint à se hisser au rang de « premier prince des poètes » suivant le jugement de ses contemporains.

Au plan philosophique, Théophile, qui n’est attaché à aucun système, évoque dans ses vers la tolérance et la prise en considération de ce qui pourrait paraître infime ou inutile (tout peut servir, en fin de compte, dit-il), ainsi :

« Les déserts les plus inutiles
Donnent de grands titres aux rois,
Et les arbres les moins fertiles
Nous donnent de l’ombre et du bois. »

Rumes 9/12/2007

Illustration : Giuseppe Pellizza da Volpedo, 1904 – Le soleil levant

Terrassés depuis longtemps

Terrassés depuis longtemps
Déjà et intimement
Soumis de surcroît
Les nuages avancent
Au rythme lent de leur destin
Et s’accommodent de leur
Sort devenu commun

Malgré qu’ils soient
Parés tantôt de couleurs
Mornes ou drapés parfois
De rigoureux éclats
Ils n’en savent rien
Sans égards on les mène

Sous eux les parcelles
De terre les forêts
Les montagnes altières
Les toits pointus
Les sinueuses rivières
Défilent et des stormes
D’oiseaux s’en viennent
A leur rencontre bruyamment

Mais les nuages ne connaissent pas
L’étendue de leur prison
Ils la portent en eux
Au rythme aigre-doux du voyage
Depuis qu’un jour atroce
On leur a crevé les yeux.

Gent 2/08/1988

Illustration : Maurits Cornelis Escher, 1938 – Jour et nuit

Non domandateci perché

Non domandateci perché
Dobbiamo chi sa per
Quanti anni interi
Rimanere così in
Fila sugli scaffali
Interminabili e lenti
Chiedetelo piuttosto
Al maestro Andy
O alle scatolette
Cugine nostre Campbell’s
Forse ne sanno di più
Loro che sono irridenti
O porgete le domande
Alle insipide Marilyn
Innumerevoli e sorridenti.

Venezia 26/03/1989

Illustration : Andy Warhol, 1962 – Bouteilles de Coca-Cola vertes