J’avais invoqué Saint Antoine

J’avais invoqué Saint Antoine
Vénus et même le Vautour
Mais aucun n’a répondu
Saint Antoine est resté de bois
Sur son piédestal de stuc
Vénus n’est pas sortie de son bain
Et le Vautour a continué
De tournoyer au loin
Complètement aveugle et sourd.

Lanslebourg 1/09/2009

Illustration : Jean-Baptiste Camille Corot, entre 1873 et 1874 – Vénus au bain

Quiétude

Autour de moi, les gens semblent parfaitement tranquilles, calmes, parlent doucement.

A l’extérieur, les paysages m’apparaissent comme lisses, sans accrocs : collines boisées circonscrites, sillons qui ondulent, prairies.

Je laisse les couleurs tamisées m’envahir.

Les maisons disséminées forment, discrètes, les balises de ma géographie.

Bruxelles 3/07/2008

Illustration : Paysage

Ce long détournement de la vie

1
Ce long détournement de la vie
Que n’a cessé d’impulser le passé

2
Comme si d’irréversibles décisions primordiales
Poursuivaient avec ténacité
Un défi parfaitement ordonné

3

Renoncer à l’innocence
Et fuir — toujours l’exil
Hors des enceintes dévolues
Rarissimes

4

Et puis finir par dissoudre le sophisme cruel ?

Taintignies 28/08/1987

Illustration : Edvard Munch, 1895 – Clair de Lune

Les textes poétiques qui parsèment ma vie

Les textes poétiques qui parsèment ma vie (mes bouts de papier) ressemblent aux petits cailloux semés par le Petit Poucet… Comme si j’avais été animé, depuis l’adolescence, par le besoin de marquer ponctuellement ma flèche du temps. Pour esquiver aussi l’angoisse de me perdre, par une géolocalisation à intervalles réguliers…

Bruxelles 22/06/2016

Illustration : Julie Faulques, 2016 – Le Petit Poucet (conte de Charles Perrault, 1697)

Andare a Namur

Andare a Namur
Vuol dire scoprire facce nuove
E magari scassare qualche BMW

Quando uno ha sete
Cominciano poi le cose serie
Si vede una casa appartata
C’è proprio scritto « Café-Restaurant »
Allora si parcheggia la macchina
E forza si entra con vigore

Ahimé che sorpresa
A sinistra due poltrone
E un divano messi lì chissà perché

E in fondo a destra un bancone
Senza bottiglie né bicchieri
Ma dov’è il cameriere
 ?

In un attimo scompare il dubbio
Sopraggiunge una signora
Forse del ritrovo la padrona
…Finisce proprio di abbottonarsi
La camicetta a colori

Allora senza perdere il controllo
Si chiede a lei sommessamente
Tra il serio e lo scherzo
 Ma questo sarebbe un caffè ?

Risponde lei con un sorrisetto
Appena velato di stupore
 Direi proprio di no… veramente.

Bruxelles 11/12/1985

Illustration : Pensionnaire de la maison close « Aux Belles Poules », années 1920 (Paris, France)

La tendresse n’est pas de mise dans les nécropoles

La tendresse n’est pas de mise dans les nécropoles. A l’intérieur des tombeaux, l’émotion. Plongeur ! Délice des flots. Parfum des fleurs. Magie des couleurs. Cette humanité en suspens. Enivrée de sa quotidianité, entourée de ses armes, de ses tuniques, de ses onguents. Et de l’indicible sentiment de l’éternel présent. La joie de vivre émanant des parois de l’intérieur des tombeaux provient de ce que l’émotion a surmonté l’épouvante de la vermine, de la décomposition. Le sourire narquois des Etrusques renvoie à la vérité de la connaissance, à l’accomplissement de la destinée, au bien-être physique ressenti comme part essentielle du bonheur. La prophétie de Tagès avait fixé à mille ans leur destinée.

Bruxelles 17/04/1996

Illustration : Art étrusque, dernier quart du 6e siècle av. notre ère – Tombe de la Chasse et de la Pêche, scène du plongeur (nécropole de Monterozzi, Tarquinia, Italie)

Les deux histoires

Dans notre vie il y a au moins deux histoires qui s’entrelacent.

Notre histoire qu’on pourrait appeler positive ou « réalisée » ou « figée » ou « actuelle » : c’est celle dans laquelle nous sommes engoncés. Et puis une deuxième histoire plus ou moins déconnectée de la première qui nous hante à des degrés divers.

La première témoigne de notre vie officielle, atteste les diplômes obtenus, les réussites certifiées, les échecs patentés. Cette histoire se distingue par des paramètres, des principes, des gardes-fous, des périmètres étalonnés, précis, claironnés.

La deuxième histoire, par contre, ne dispose d’aucune certitude, fonctionne suivant des principes aléatoires, ressemble à des miroirs déformants (repères fuyants). Dans cette seconde histoire, nos rêves, nos frustrations, mais également nos projections, notre capacité à « créer » le monde règnent sans partage.

Cette « dualité » nous anime et nous permet de « rebondir » en prenant appui tantôt sur l’une tantôt sur l’autre histoire.

Dans certaine circonstances, un grand écart entre les deux histoires peut nous être fatal (échecs, grave dépression, maladie, suicide).

Bruxelles 10/03/2008

Illustration : Entrelacs