Il giovane favoloso

Que dire du film de Mario Martone, « Il giovane favoloso » (que j’ai déjà revu plusieurs fois) ? Exceptionnel, intimiste, crédible.
Il rend compte avec réalisme et sensibilité de la vie de Giacomo Leopardi. Depuis sa bibliothèque-prison d’enfant prodige jusqu’à sa retraite napolitaine marquée par l’éruption du Vésuve, depuis la vision idyllique de l’enfance (noble et insouciante) jusqu’à sa vie ultérieure marquée par la déchéance physique et l’absence d’un amour véritable.
Le film rend bien la relation complexe avec le père et le milieu familial provincial et étouffant.
Au fur et à mesure que Leopardi se recroqueville, nous assistons à son calvaire et cruel destin. Physiquement, il devient, en dépit de son esprit ou peut-être justement à cause de lui, complètement dérisoire. Il a beau écrire des textes sublimes, c’est une sorte de gnome. Un pur esprit emprisonné dans un corps difforme.

Tournai 19/01/2016

Illustration : Mario Martone, 2014  – « Il giovane favoloso » (photogramme tiré du film), avec Elio Germano dans le rôle de Giacomo Leopardi

Je suis une paillette (dit-elle)

— Je suis une paillette (dit-elle)
La gloire de ce tableau vivant
Une merveille et plus encore
Et pourtant même si je brille
D’un éclat parfait j’aspire parfois
A moins d’apparat
Mais comment faire
Sans m’humilier ?
Que deviendra la scène sans moi
Est-ce qu’encore on me regardera ?

Bruxelles 3/12/2010

Illustration : Dana Chirpac – Femme blonde avec poussière de paillettes

Italie du Sud années ‘60

Les femmes, toutes de noir vêtues, insufflaient au quotidien une dimension tragique. Cette omniprésence du deuil faisait d’autant plus ressortir cependant les couleurs brutes. Le rouge vif de la sauce tomate et des pastèques, le bleu intense de la mer et du ciel, le jaune cru de l’astre solaire, le vert apaisant des vignes et des vergers.

C’était l’époque de la transition entre le monde ancien et celui de la « modernité », ces années charnières dont parlait Pasolini dans son poème « Io sono una forza del Passato ». Rien n’avait vraiment changé depuis l’Antiquité et tout commençait à être bouleversé irréversiblement.

On était au début de la motorisation généralisée. Vespas et petites voitures utilitaires commençaient à se faufiler dans les ruelles étroites des villages. Mais un état d’esprit de frugalité et de sobriété continuait de régner. Une simplicité dans les mœurs, une authenticité enracinée.

Cette Italie du Sud-là renvoyait des images d’absolu, d’éternité. Paradis des photographies contrastées. Toutes les femmes habillées de couleur corbeau contribuaient ainsi au triomphe momentané de la photo en noir et blanc.

Rumes 24/01/2008

Illustration : Archives familiales, seconde moitié des années 1960 – Femmes siciliennes

Avrei voluto fare il mio autoritratto

Avrei voluto fare il mio autoritratto
Ma al momento in cui stavo per iniziare
Mi sono accorto che non avevo
Né pennello né colori

Perbacco !
Nemmeno pellicola fotografica
E le batterie della macchina digitale
Completamente scariche

Allora
Pur di conservare in memoria
La propria immagine
Mi sono avvicinato al primo specchio
A portata di mano

Ma nemmeno lo specchio
Ha voluto riflettere la mia immagine.

(scritto nel corso di una visita al museo della fotografia
di Charleroi guardando le foto incorniciate ed avendo
in mente il dipinto di Magritte « la riproduzione vietata »)

Charleroi 19/06/2008

Illustration : René Magritte, 1937 – La reproduction interdite

Mondes parallèles

Suivant la théorie d’Hugh Everett, notre monde serait constitué de mondes parallèles. Depuis qu’elle a été exposée, en 1957, cette idée a largement été exploitée dans le domaine de la fiction, en particulier au cinéma.

Ces mondes parallèles on les imagine souvent distincts, comme ayant toujours existé. Une sorte de forêt d’univers.
Mais dans le modèle d’Everett, en fait, la réalité serait constamment en train de créer de nouveaux mondes parallèles. Ces univers seraient la résultante d’une sorte d’accouchement permanent du réel : les univers divergeraient à chaque instant en fonction des évènements.

Ces univers parallèles seraient, par conséquent, infinis. Ils comprendraient toutes les actions qu’il pourrait être potentiellement possible de réaliser.
La théorie d’Everett peut sembler farfelue mais elle a, semble-t-il, de bonnes bases théoriques.

La découverte récente d’une sorte de « trou » dans notre univers (trou relatif à la distribution des galaxies) pourrait être, suivant certains savants, la preuve tant attendue de l’existence de ces univers parallèles.
Ce « trou » aurait été formé par une collision entre notre univers et un univers parallèle. Cet évènement se serait produit au tout début de notre univers.

Dans la vie quotidienne, il nous arrive de vivre certains faits surprenants qui sont automatiquement qualifiés d’étranges, de bizarres et qui, parfois, restent même inexpliqués. Je pense, en particulier, à la disparition de certains objets et à leur réapparition.

Il peut arriver que l’on cherche presque désespérément ces objets et qu’on les retrouve par après, parfois un certain temps après. Par exemple, un objet qui est censé être dans un sac et qui disparaît — on vide le sac, il n’y rien, même devant témoins — et qui, le lendemain ou plusieurs jours après, réapparaît dans le même sac.
L’explication la plus commune (et la plus logique) est que ces objets n’ont pas disparu mais que la personne qui cherche l’objet est distraite, maladroite, inappliquée, ne « voit » pas.

Est-ce que ce genre de situation ne pourrait pas, au contraire, être une « preuve » de l’existence des mondes parallèles ?
En se rendant divergents (à chaque instant), les univers parallèles se stabilisent dans un état donné. Ces objets qui disparaissent et réapparaissent — objets non stabilisés —, ne pourraient-ils pas être un « témoignage » de la divergence à notre échelle ?
Comme si les univers ne s’étaient pas séparés parfaitement ? Comme si les objets hésitaient entre deux états. Comme s’il se produisait une sorte de raté local.

Rumes 21/02/2008

Illustration : Vision d’« univers bulles »